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Vers un génotypage plus éthique des animaux de laboratoire en France

En France, la plupart des techniques de génotypage utilisées sur les animaux de laboratoire sont invasives. Depuis 2022, cette réalité est mieux cernée grâce à la comptabilisation, pour les statistiques officielles, des animaux génotypés par des techniques invasives, qui ne permettent pas habituellement leur identification. Afin de promouvoir le raffinement dans les pratiques de génotypage, nous avons échangé avec des professionnels de Caen, Marseille et Maisons-Alfort qui ont réussi à faire évoluer leurs pratiques vers des approches plus éthiques et moins invasives.

06.05.25

© RSPCA

Pour aller plus loin

Voir le replay du webinaire du FC3R sur le génotypage non-invasif (16/01/25).

Consulter les ressources (guidelines, posters) régulièrement ajoutées sur la plateforme FRIA : exemple de protocole de génotypage de la lignée murine Dicer en utilisant des prélèvements de poils.

Partager vos protocoles avec la communauté scientifique en déposant une Short Note ou en proposant une fiche technique en français dans FRIA.

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Le génotypage, l’identification et le cadre réglementaire

L'élevage d'animaux génétiquement altérés à des fins scientifiques (principalement des souris, des rats et des poissons) nécessite l'utilisation de techniques de génotypage et d’identification fiables. Le génotypage permet de surveiller de manière routinière la ou les modifications génétiques d’intérêt ou de vérifier l'état génétique durant le maintien d’une colonie. Pour cela, les animaux sont classiquement identifiés individuellement, puis un petit morceau de leur queue est prélevé pour réaliser les tests génétiques. Dans certains cas, comme la phalangectomie chez les souriceaux, le génotypage et l’identification sont réalisés en un seul geste. Plusieurs techniques de génotypage des animaux de laboratoire ont été décrites (Bonaparte et al., 2013) et peuvent être classées en techniques invasives ou non invasives selon que les pratiques entraînent ou non une douleur, une souffrance, une angoisse ou des dommages durables équivalents ou supérieurs à ceux causés par la piqûre d’une aiguille selon les bonnes pratiques vétérinaires (Directive 2010/63/UE).

Certaines de ces techniques invasives, comme la phalangectomie, qui doit être réalisée entre le 7e jours et 10e jours d’âge chez les rongeurs, nécessitent d’une Demande d’Autorisation de Projet (DAP) dans le cadre d’un projet scientifique précis (voir l’avis du CNREEA). D’autres techniques de génotypage consistent à prélever une partie de la nageoire d'un poisson ou un bout de queue d'une souris à l’âge de sevrage. Ces pratiques sont invasives et douloureuses. Non seulement les altérations physiques peuvent générer des douleurs fantômes, mais de plus en plus de preuves cliniques et précliniques suggèrent également que les lésions tissulaires peuvent entraîner des modifications neurophysiologiques à long terme (Li, 2016). Des alternatives de génotypage non invasives ou moins invasives sont largement décrites dans la littérature scientifique, bien que moins utilisées (Bonaparte et al., 2013), telles que le prélèvement des bulbes pileux (Schmitteckert et al., 1999), des crottes (Kalippke et al., 2009), de salive (Irwin et al., 1996), l’analyse de la fluorescence (Hellrung et al., 2006), etc. Cependant, certains projets de recherche nécessitent d’identifier de jeunes rongeurs avant l’âge de sevrage et les solutions non invasives de génotypage sont rares.  Bien que certaines pratiques comme l’écouvillonnage buccal chez le rongeur nouveau-né (Zang et al., 2006) aient été décrites, elles ne sont pas implémentées (informations fournies par les auteurs eux-mêmes à l'occasion de la préparation de cet article).

Au niveau de la législation, les techniques d’identification des rongeurs ne sont pas réglementées (article R 214-88 du Code rural), mais doivent être le moins douloureuses possible (Vade-mecum du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire). Les techniques d’identification qui produisent un matériel biologique permettant d'effectuer un génotypage (comme la biopsie d’oreille avec pose d'une bague sur le même site) ne nécessitent pas de DAP.

Les techniques invasives de génotypage provoquant une douleur, une souffrance ou une angoisse au-dessus du seuil réglementaire (introduction d’une aiguille) nécessitent une DAP suite à la décision d’exécution (UE) 2020/569 (par exemple le prélèvement d’un bout de queue de rongeur ou de nageoire de poisson pour génotypage). En 2022, 326 033 animaux d’élevage génotypés mais non utilisés ont été recensés en France, selon les chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

Des initiatives pionnières en génotypage non-invasif

Au niveau européen, la RSPCA avait initié une campagne en 2010 pour éviter l'utilisation de deux techniques causant des altérations physiques sur le même animal, comme l'identification par biopsie d'oreille et le prélèvement d'un bout de queue pour génotypage.

En France, l’une des premières animaleries à avoir implémenté des techniques de génotypage sans altération physique par prélèvements de bulbes pileux est l’animalerie de l’UMR 1141 de l’hôpital Robert Debré à Paris. En 2020, le réseau national Celphedia a réalisé une étude comparative multi-centres sur des techniques de génotypage non invasives sans altération physique chez la souris et le poisson, et obtenu de bons résultats techniques, surtout pour le bulbe pileux chez la souris (Jacquot et al., à paraître). Bien que ces différentes techniques aient été partagées publiquement lors de congrès, de webinaires et sous forme de documentation, elles restent peu implémentées.

Quels sont les éléments qui permettent l’implantation d’une technique de génotypage respectueuse des 3R dans une animalerie ?

De Caen à Marseille des établissements utilisateurs (EU) marquent le changement. Nous avons identifié une dizaine d’animaleries ayant implémenté des techniques non invasives de génotypage chez la souris à l’âge de sevrage, en voici trois exemples :

 « Yes we Caen ! » 

L’Université de Caen se démarque par son dynamisme dans le domaine des 3R. Elle a implémenté le génotypage par prélèvement de bulbe pileux depuis plusieurs années. En 2017, des membres du laboratoire ont effectué des tests sur leurs quatre lignées murines, obtenant de bons résultats. Mélanie Coolzaet, Sophie Corvaisier, Stacy Largillière et Gérald Née (équipe technique de COMETE - UMRS1075), ainsi qu'Alexandre Lebrun (CURB), avaient rapidement obtenu le soutien de la hiérarchie et des chercheurs, ce qui avait conduit à l’implémentation du prélèvement de queue et à son remplacement. Le sevrage des rongeurs est réalisé vers l’âge de 4 à 5 semaines, les animaux sont alors identifiés par puce électronique et le prélèvement des bulbes pileux est réalisé à l’aide d’une pince à clamper.

Quels sont les avantages ?
Parmi les avantages, l’équipe évoque la facilité de la technique, la rapidité des résultats et l’amélioration du bien-être animal. Sur le plan administratif, ils n’ont pas besoin d’inclure la technique de prélèvement dans une DAP.

Quels sont les inconvénients ?
Aucun, à condition de bien nettoyer la pince entre chaque prélèvement.

Marseille, carrefour du dynamisme

En 2022, à Marseille, après une présentation sur la règlementation par un membre de la cellule AFiS, Séverine Platel, responsable d’animalerie à l’UMR 7288, avait compris qu’il serait important de changer de technique de génotypage. Des tests sur le prélèvement de poils avaient déjà été effectués en 2021 par Mélanie Hocine, ingénieure en biologie moléculaire, ce qui avait permis de faire progresser la technique.

Quels sont les avantages ?
Parmi les avantages, l’équipe mentionne la simplicité de la technique, réalisée en même temps que la pose de bagues d’identification, la rapidité des résultats, l’amélioration du bien-être animal. Sur le plan administratif, ils n’ont pas besoin d’inclure la technique de prélèvement dans une DAP.

Quels sont les inconvénients ?
Bien que certains chercheurs aient été réticents au début, la hiérarchie et le responsable scientifique de l’EU ont soutenu le changement.

L'École Nationale Vétérinaire d’Alfort (EnvA)

À l'EnvA, au sein de l'unité U955 IMRB, Laurent Guillaud utilise l’écouvillonnage buccal pour re-génotyper des rats. Parallèlement, le génotypage à partir de crottes donne de bons résultats chez les souris ainsi que chez certaines lignées de rats, grâce à un protocole prometteur qui devrait être partagé prochainement.

Quels sont les avantages ?
L’écouvillonnage chez le rat est une technique simple et rapide qui peut être facilement réalisée à tout moment. Les fèces de souris peuvent être facilement récoltées lors de l’identification à trois ou quatre semaines. Dès la contention de la souris, celle-ci défèque presque instantanément.

Quels sont les inconvénients ?
Le prélèvement de fèces chez le rat nécessite souvent un massage du côlon, qui peut parfois être très long, voire impossible. Ce massage est également plus long chez les souris adultes et impossible dans ce cas.

Une évolution bénéfique et dynamique

Depuis dix ans, l’implémentation du génotypage non invasif montre que son adoption s’accélère, notamment sous l’impulsion de l’obligation de la Demande d’Autorisation de Projet depuis 2020. Ce changement s’ancre principalement dans des territoires déjà reconnus pour le dynamisme de leurs acteurs : responsables d’animalerie, enseignants-chercheurs engagés, et responsables scientifiques des EU.

Les bénéfices sont clairs : des techniques plus simples, des résultats rapides, une amélioration du bien-être animal et une réduction des contraintes administratives. De plus, nous constatons que l’adoption de ces méthodes non invasives a également contribué à un ressenti positif des équipes et même à une reconnaissance pour certains collègues lors des évaluations professionnelles.

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