
Pour en savoir plus

XéMo est déjà utilisé pour les formations concepteur à Marseille (CNRS et CFE) et à Montpellier (CNRS)
Voir la vidéo de fabrication de XéMo : https://youtu.be/foGushKykEM
Rencontre avec Nathalie Malirat (Institut de Génétique Humaine), Marie-Elise Schwartz (TPS-AQUA), Aurélien Drouard (Institut de Génomique Fonctionnelle) et Abdelkrim Mannioui (Institut de biologie Paris-Seine), qui travaillent sur des espèces aquatiques, et interviennent dans les formations règlementaires CNRS à l’expérimentation animale niveau concepteur de projets. Ensemble, ils ont mis au point XéMo, un modèle xénope pédagogique substitutif pour remplacer l’utilisation d’animaux vivants dans l’apprentissage et la formation pratique.
Quelle problématique 3R avez-vous rencontrée ?
Les demandes croissantes de formations réglementaires de niveau concepteur sur les modèles aquatiques nous ont conduit à augmenter l’offre de ces formations spécifiques à 7 sessions par an. Cette augmentation s’accompagne donc d’une hausse du nombre d’animaux utilisés. La partie pratique des formations doit permettre d’apprendre la contention, le pressage pour l’obtention d’œufs, le puçage, la pesée et les injections sur le modèle xénope, et il est de notre responsabilité en tant que formateurs de garantir l’enseignement de ces gestuelles adaptées et que les participants les acquièrent, même ceux - nombreux - qui ne sont pas destinés à travailler sur le modèle xénope.
La manipulation et l’expérimentation sur les animaux génèrent également un stress qui peut être d’autant plus amplifié que les expérimentateurs sont débutants. Avec l’expérience, nous nous sommes aussi rendus compte que certains participants émettaient une opposition à l’expérimentation sur les xénopes et à leur contention, par peur, dégoût de l’animal et/ou pour des raisons éthiques. Ces craintes et hésitations de la part de l’expérimentateur génèrent des contentions inadaptées de l’animal qui est, par conséquent, sujet à un stress supplémentaire.
Nous avons donc voulu appliquer le principe des 3R à cette formation, en développant un modèle substitutif à l’utilisation des xénopes (Remplacement) à des fins de formation, qui permet de limiter le nombre de xénopes utilisés pour atteindre le même objectif (Réduction) et d’assurer le bien-être des xénopes lors de l’apprentissage (Raffinement).
Nous avons également voulu prendre en compte les expérimentateurs, en intégrant les notions de « Responsabilité » de notre part en tant que formateurs, et de ce que nous avons appelé « Réassurance » des expérimentateurs vis-à-vis de l’animal, pour leur permettre d’améliorer leur gestuelle et de prendre confiance sans causer de stress aux animaux. Nous recherchions un bénéfice pour les xénopes et pour les expérimentateurs, le bien-être des uns impactant positivement les autres.
Qu’avez-vous mis en œuvre pour y remédier ?
Nous avons donc développé XéMo, le modèle xénope substitutif, que chacun - dans son animalerie, programme de formation, université ou autre - peut mettre en place facilement, rapidement, à très faible coût, avec des éléments classiquement utilisés dans les laboratoires :
-
1 gant en nitrile taille M
-
1 gant nitrile taille L (vert de préférence)
-
200 mL d’eau du robinet
-
et 0,1 g de rouge Ponceau (facultatif)
Pour fabriquer un XéMo, il faut prendre un gant de taille M, ensuite faire des nœuds aux pouce, majeur et auriculaire et les rentrer vers l’intérieur, puis remplir le gant de 200mL d’eau (avec ou sans rouge Ponceau) et faire un nœud au niveau du poignet. L’index et l’annulaire étant remplis de liquide, le gant ressemble maintenant à la partie postérieure d’un xénope. On le glisse ensuite dans 1 gant taille L (avec pouce, majeur et auriculaire noués et rentrés également), que l’on noue au niveau du poignet de manière à laisser un peu d’air entre les 2 couches de gant pour mimer l’espace que représente le sac lymphatique dorsal. L’index et l’annulaire étant remplis de liquide, le gant ressemble maintenant à la partie postérieure d’un xénope. Le XéMo est prêt !
On peut utiliser le XéMo pour s’entraîner à la contention afin de bien positionner sa main et ses doigts par rapport aux pattes arrières du xénope. On peut également mettre à profit ce modèle pour expliquer l’endroit et la pression à exercer pour obtenir des œufs par pressage, ce qui requiert de la dextérité et de la pratique afin de ne pas nuire à la fonction reproductrice. Dans ce cas, nous recommandons de dessiner le cloaque et la ligne latérale avec un marqueur permanent sur le gant, pour rajouter des repères anatomiques. On peut également utiliser XéMo pour s’exercer à l’injection et au puçage. Dans ces 2 cas, il faut introduire une aiguille sous la peau de l’animal pour injecter dans le sac lymphatique dorsal. Si l’on perce trop loin, l’injection peut être létale pour le xénope. La gestuelle et l’angle d’injection doivent donc être précis. Pour utiliser le XéMo dans sa fonction d’injection, il faut perforer avec l’aiguille adéquate entre les 2 couches de gant. Si l’injection va trop loin, la 2e couche de gant est perforée et le liquide s’écoule. L’ajout de rouge Ponceau - facultatif - permet de mieux visualiser cet écoulement lors d’une mauvaise injection. Le XéMo peut être utilisé plusieurs fois même quand le gant interne est percé car il faut exercer une pression pour vérifier la perte de liquide.
Quels résultats avez-vous obtenus ?
En éliminant le besoin de xénopes pour l’entraînement, XéMo contribue significativement à la diminution de leur utilisation : avec 8 xénopes en moins par session et l’intensification du nombre de formations réglementaires annuelles, cela représente une réduction substantielle.
L’utilisation de XéMo permet également aux chercheurs de recueillir des données plus fiables et reproductibles, en leur permettant de s’entraîner de manière répétitive et d’acquérir une expertise technique précise sans nuire à aucun animal tout en éliminant les facteurs de stress. Suite à l’analyse des questionnaires de fin de formation, les utilisateurs se déclarent satisfaits à plus de 99%.
XéMo permet de sensibiliser les chercheurs au principe des 3R et de créer une atmosphère de travail plus éthique et respectueuse du bien-être animal. Sa facilité de mise en place et son faible coût rendent ce modèle accessible à l’ensemble de la communauté scientifique, ce qui encourage la diffusion des bonnes pratiques et des innovations en matière de 3R. Il pourrait ainsi être généralisé à toutes les formations aquatiques, aux animaleries de recherche et aux formations universitaires, voire même être adapté pour modéliser d’autres espèces. Le modèle XéMo représente un pas concret vers des alternatives respectueuses des animaux utilisés en science, en accord avec les attentes de la société.